Il était une fois, une planète très lointaine qui s'appelait la Terre.
Comme sur toutes les planètes habitées, la vie y était apparue par hasard, prenant d'abord la forme d'organismes unicellulaires puis évoluant vers des formes plus sophistiquées. Au bout de quelques milliards d'années il y avait sur Terre une grande variété d'espèces animales. L'une de ces espèces, l'être humain, finit par prendre le pouvoir sur toutes les autres. Il se développa tant que sa population totale atteignait les 6 milliards d'individus au XXI ème siècle de leur ère.
C'est ici que commence notre histoire.
A cette époque, l'homme avait déjà colonisé la majeure partie des continents. C'était une espèce qui vivait en groupes, construisant un peu à la manière des fourmis, de gigantesques citées. Mais, l'être humain, s'il avait connu une évolution phénoménale de son intelligence pratique, avait en revanche laissé de côté la sagesse.
Capable d'un côté de travailler sur l'atome, il n'avait par ailleurs aucune conscience des règles de base de la vie. Toute espèce comprend pourtant que si elle met en danger son environnement naturel, elle est vouée à disparaître. Mais l'être humain était vaniteux. Ayant réussi à prendre le pouvoir sur toute forme de vie, il pensait, sans doute, que rien ne pouvait lui arriver, qu'il était trop intelligent pour ça.
Il y eut pourtant, à cette époque, de nombreux avertissements, lancés par des individus plus ou moins isolés, mais cela n'eut apparemment aucun effet sur la catastrophe en cours. A cette époque, l'argent, un système qui avait été inventé pour favoriser les échanges, avait pris un pouvoir considérable sur ses créateurs. Objet inanimé (il se présentait sous la forme de petites pièces de métal), il était pourtant devenu le symbole du pouvoir et de l'existence, et le monde des humains tout entier lui vouait un culte étonnant. C'est pour l'argent que les hommes produisaient tant, c'est pour lui qu'ils se refusaient à utiliser des méthodes qui n'auraient pas mis la Terre en danger.
Et dans cette histoire, me demanderez-vous, qu'étaient devenues les autres espèces ?
Il faut savoir que sur Terre, la vie était très dure parce que certaines espèces se nourrissaient d'animaux vivants. Il y avait bien sûr, comme ici des herbivores et des charognards, mais on trouvait aussi des ce qu'on appelait là-bas des "carnivores", et des "omnivores". Les carnivores, à la différence des charognards, n'attendaient pas que l'animal qui allait composer leur repas soit mort. Ils le tuaient eux-mêmes, dans le seul but de le manger. Pour les omnivores, c'était la même chose, sauf qu'ils ne se nourrissaient pas uniquement de chair vivante, mais aussi de plantes. Cette pratique peut nous sembler complètement barbare, mais il faut savoir qu'aucun des animaux qui en vivaient n'avait à l'époque la capacité de se mettre à la place de sa victime. Ils répondaient juste à leur instinct qui leur disait de tuer pour survivre.
Aucun des animaux ? En fait, cela n'est pas exact, l'homme, était omnivore, et comme nous l'avons vu, il avait tout de même une certaines forme d'intelligence. Mais, comme nous l'avons vu aussi, il était vaniteux et égoïste. Si bien, que même si le meurtre entre être humains était interdit, il était toutefois tout à fait autorisé de tuer les autres animaux pour se nourrir, alors même qu'il pouvait très bien se nourrir de plantes.
Mais l'homme ne se contentât pas de chasser (c'est à dire de parcourir les terres à la recherche d'un animal à tuer). Il avait mis en place un système qu'il appelait "élevage", qui consistait à enfermer d'autres animaux et à les faire se reproduire, pour avoir constamment de la viande à disposition sans trop d'efforts.
Aux débuts de l'élevage, les choses étaient encore plus ou moins raisonnables de leur point de vue. Les animaux étaient, si l'on peut s'exprimer ainsi dans ce contexte, plus ou moins "bien" traités avant leur mort et l'homme se contentait de quelques meurtres occasionnels.
Mais, les choses ne tardèrent pas à s'aggraver. Bientôt, pour produire plus de chair tout en ne dépensant pas trop d'argent (le métal qui servait aux échanges, souvenez-vous), l'homme se mit à parquer les animaux dans des espaces de plus en plus restreints, puis il les fit abattre dans des usines, à la chaîne, comme des objets. Ensuite, il s'aperçut que le goût de la chair était meilleur si l'animal ne bougeait pas trop durant sa vie. On commença donc à enfermer certaines espèces dans des cages, de leur naissance, jusqu'à leur mort. Comme l'homme mangeait aussi les oeufs et le lait des animaux, on utilisa aussi ces cages pour faciliter le travail de ceux qui les récoltaient. Ainsi plus besoin de chercher les oeufs ou de courir après la vache pour lui voler son lait, tout était à disposition, les oeufs roulaient sous les cages, le lait coulait dans des machines directement jusqu'à de gigantesques réservoirs.
J'imagine que vous avez peine à imaginer qu'une espèce puisse aller aussi loin, mais tout ce dont je vous parle n'était rien à côté de ce qu'on appelait alors les laboratoires.
L'homme, avait aussi pris l'habitude d'utiliser les autre animaux pour faire des expériences scientifiques. Il vous est déjà arrivé sans doute, de ramasser un cadavre de souris pour l'étudier en cours de science... mais ce n'est pas ce dont nous parlons ici. Les hommes faisaient eux leurs expériences sur des animaux VIVANTS ! On a du mal à imaginer comment ils pouvaient êtres capables de faire cela, capables de résister aux hurlements de douleur et d'horreur, capables de regarder dans les yeux un animal vivant, avant de lui injecter de l'acide sous la paupière. Mais tout cela était pourtant admis par la morale de l'époque. On considérait que tout ce qui n'était pas "être humain" pouvait être utilisé à merci. Ce que nous nous verrions comme de la torture, eux le considéraient comme de la science ! Pour eux, le hurlement d'un animal n'était pas plus difficile à supporter que le bruit d'un oignon en train de frire dans une poêle.
Les expériences étaient de surcroît tout aussi inutiles que barbares. On m'a raconté par exemple qu'on avait mis une femelle singe et son petit sur une plaque chauffante, afin de déterminer si la mère allait prendre son petit dans ses bras pour le protéger, quitte à sentir ses pieds se calciner, ou si elle allait monter sur son petit pour se protéger elle, quitte à le voir brûler vif.
Ainsi était le monde au XXIème siècle. La suite, vous la connaissez peut être. Certains êtres parmi les humains, se sont réveillés. Ils ont commencé à se battre pour qu'on arrête toutes ces horreurs. Au début, ils n'étaient pas écoutés, on se moquait d'eux, on les traitait d'extrémistes.
Puis, il y eut la grande catastrophe du milieu du XXIème siècle. A cause des gaz rejetés dans l'atmosphère depuis 150 ans, la température augmenta de 10 degrés, provoquant une montée catastrophique du niveau des mers. De nombreuses terres furent immergées et les humains durent s'entasser sur celles qui restaient. Il eut une période terrible où les guerres pour les terres firent des milliards de morts. Les humains étaient bien trop nombreux pour l'espace qui restait alors. Bien sûr, de nombreuses autres espèces disparurent à cette époque, massacrées par les hommes ou noyées par la montée des eaux.
Au début du XXII ème siècle, enfin, les guerres s'apaisèrent, le bilan était lourd. La moitié de l'humanité avait disparu, ainsi que 4/5 èmes des autres espèces animales.
C'est alors que l'homme commença à comprendre que son imprudence et sa folie avaient été la cause de tout cela, on reconsidéra les thèses des écologistes du XXIème siècle, et partout où cela était encore possible, on se mit à reconstruire le monde. toute source de pollution fut interdite, et l'argent fut supprimé. On revint au système du troc, qui avait l'avantage de ne pas dématérialiser les ressources et les services.
C'est aussi à cette époque que le courant antispéciste prit toute son ampleur. L'homme, qui s'était senti si grand et si supérieur, se mit à réfléchir à sa place sur la planète et dans l'univers. Il accepta enfin de prendre en compte le monde qui l'entourait, et en particulier les autres espèces animales.
La production de chair fut interdite, puis toute exploitation des animaux.
Ce n'est que bien plus tard, au XXIIIème siècle qu'il finit par trouver une solution au problème de la prédation, en étendant les cultures du blécarni, une espèce de blé qui contenait tous les éléments nutritifs nécessaires aux carnivores. Les animaux concernés se tournèrent bien vite vers cette alimentation disponible en abondance et le carnivorisme "à l'ancienne" disparût tout à fait en quelques décennies.
Aujourd'hui, comme vous le savez, la Terre est un modèle pour l'univers tout entier, mais cela ne doit pas faire oublier les périodes sombres de son histoire. Aucune espèce n'est à l'abri des dérives, aucune espèce ne doit se sentir supérieure aux autres, ni à son environnement. Je vous raconte tout cela, mes enfants, parce que j'ai entendu hier l'un d'entre vous traiter son camarade de sale chèvre. Les élans ne sont en aucun cas supérieurs aux chèvres, même s'il est vrai que nous sommes meilleurs en astronomie. Souvenez vous bien de tout ça, et n'oubliez pas de vous essuyer les sabots avant d'aller au lit.